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La fraternité prend - enfin ! - valeur constitutionnelle

vendredi 6 juillet 2018, par Michel Berthelemy , Webmestre

En mars 2016, la 4ACG élaborait une charte de la fraternisation, aussitôt proposée à l’accord et à la signature de toutes les associations françaises et algériennes qui se déclareraient en accord sur les termes et l’esprit de cette charte. La démarche a eu de nombreux échos positifs. C’est pourquoi la 4ACG ne peut que se réjouir de la récente décision du Conseil constitutionnel qui, statuant sur l’accueil des réfugiés, a consacré la valeur constitutionnelle du principe de fraternité.

En effet, dans une décision du vendredi 6 juillet, les gardiens de la loi suprême ont donné une force juridique à cette devise républicaine et considéré qu’il en découlait « la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national ».
Au moment où les pays de l’Union européenne se déchirent sur les questions migratoires, face à la montée des droites dures sur le continent, cette décision constitue indéniablement une victoire importante pour les associations et les personnes qui avaient saisi le Conseil d’une question prioritaire de constitutionnalité.

A l’origine de cette requête, notamment, l’agriculteur Cédric Herrou, devenu le symbole de la défense des migrants de la vallée de la Roya, l’un des principaux points de passage des migrants arrivés en Europe par l’Italie. Cédric Herrou a été condamné à quatre mois de prison avec sursis par la cour d’appel d’Aix-en-Provence en août 2017 pour avoir transporté quelque deux cents migrants, principalement érythréens et soudanais, de la frontière italienne jusqu’à chez lui et organisé un camp d’accueil.
Également requérant, l’enseignant-chercheur Pierre-Alain Mannoni a, lui, été ­condamné par la même cour d’appel d’Aix-en-Provence à deux mois de prison avec sursis, pour avoir accompagné trois Erythréennes dans une gare.
Deux autres plaignants et une douzaine d’associations d’aide aux migrants, dont la Cimade et la Ligue des droits de l’homme, se sont joints à la requête qui attaque le code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d’asile (Ceseda). Celui-ci punit de cinq ans d’emprisonnement et de 30 000 euros d’amende « le fait d’aider directement ou indirectement un étranger à entrer, circuler ou séjourner irrégulièrement en France ».
Dans le but de ne cibler que les filières lucratives de passeurs, ce même code prévoit d’exempter de poursuites l’aide au séjour lorsqu’elle « n’a donné lieu à aucune contrepartie directe ou indirecte », sans préciser cependant la nature de la contrepartie. Le code précise en revanche les domaines auxquels cette aide au séjour doit se limiter, à savoir des « conseils juridiques ou des prestations de restauration, d’hébergement ou de soins médicaux (…) visant à préserver la dignité ou l’intégrité physique » de l’étranger irrégulier. Or, cette formulation peut exclure de multiples formes de solidarité. Et les associations et militants considèrent que persiste ainsi un « délit de solidarité ».
« Le texte est flou », a également plaidé Patrice Spinosi, l’un des avocats des requérants,lors de l’audience devant le Conseil constitutionnel le 26 juin. Pour Me Spinosi, « le législateur n’a pas réussi à poser clairement cette ligne de démarcation pourtant simple : d’un côté, l’assistance rémunérée, les actes des passeurs (…), d’un autre, l’assistance désintéressée, celle des indignés, des militants, des engagés, pour laquelle il ne peut y avoir d’ambiguïté : aucune poursuite pénale ne peut être engagée ».

Dans sa décision, le Conseil constitutionnel lui a donné raison et a considéré que la loi ne conciliait pas de façon suffisamment équilibrée le principe de fraternité – désormais consacré – et la sauvegarde de l’ordre public. Il considère que la liste limitative des actions exemptées de poursuites doit être entendue largement comme couvrant « tout acte d’aide apportée dans un but humanitaire ».
Le Conseil censure par ailleurs une partie du Ceseda. Il estime en effet que l’exemption de poursuites pénales ne peut pas se cantonner à l’aide au séjour, mais doit s’étendre à l’aide à la circulation de l’étranger irrégulier « lorsque ces actes sont réalisés dans un but humanitaire ». En revanche, il exclut que cette exemption s’étende à l’aide à l’entrée sur le territoire, car celle-ci « fait naître par principe une situation illicite ».« C’est une victoire importante des libertés fondamentales qui permet de neutraliser le délit de solidarité », a réagi vendredi Patrice Spinosi, alors que le nombre de morts en Méditerranée atteint son plus haut niveau depuis le début de l’année, et qu’à Calais, Menton ou ailleurs sur le territoire, les associations d’aide aux migrants continuent de dénoncer les entraves à leurs actions. Dans le cadre du projet de loi « pour une immigration maîtrisée, un droit d’asile effectif et une intégration réussie » actuellement examinée par le Parlement, le législateur pourra se pencher sur le sujet et se conformer à cette décision en modifiant le Ceseda.

source : Le Monde. Vendredi 6 juillet 2018.
Julia Pascual

https://www.lemonde.fr/immigration-et-diversite/article/2018/07/06/aide-aux-migrants-le-conseil-constitutionnel-consacre-le-principe-de-fraternite_5326929_1654200.html


ndlr

Conseil Constitutionnel

Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018

« Sur le fond :
En ce qui concerne le grief tiré de la méconnaissance du principe de fraternité :
7. Aux termes de l’article 2 de la Constitution : « La devise de la République est « Liberté, Égalité, Fraternité » ». La Constitution se réfère également, dans son préambule et dans son article 72-3, à l’« idéal commun de liberté, d’égalité et de fraternité ». Il en ressort que la fraternité est un principe à valeur constitutionnelle.
8. Il découle du principe de fraternité la liberté d’aider autrui, dans un but humanitaire, sans considération de la régularité de son séjour sur le territoire national. » ….

Décision n° 2018-717/718 QPC du 6 juillet 2018
http://www.conseil-constitutionnel.fr/conseil-constitutionnel/francais/les-decisions/acces-par-date/decisions-depuis-1959/2018/2018-717/718-qpc/decision-n-2018-717-718-qpc-du-6-juillet-2018.151721.html

Communiqué de presse - 2018-717/718 QPC
https://www.conseil-constitutionnel.fr/actualites/communique/decision-n-2018-717718-qpc-du-6-juillet-2018-communique-de-presse

(QPC) Question prioritaire de constitutionnalité

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